En l’an 221 avant l’ère occidentale, Qin(Chin) Shihuangdi, le premier empereur de Chine, avec son premier ministre Li Si, après avoir annexé les six autres royaumes, se mettent à standardiser les écritures de différents royaumes ainsi que les poids et les mesures.

Vers le début du IIe siècle, Xu Shen (许慎58-147), a compilé « Shuōwén Jiězì » (« 说文解字 ») , le premier dictionnaire chinois doté d’une système structurel et d’un style scientifique.

Cet ouvrage a listé plus de 10,000 caractères chinois de l’époque, les range par 540 clés qu’elles-mêmes se sont regroupées dans 14 chapitres.

Xu Shen est à la fois un grand philologue et un grand spécialiste des classiques confucéens, a priori, il ne limite pas son ouvrage à un seul rôle philologique, par définition des caractères-pivots, référence à des grands classiques, la composition et décomposition des caractères, il essaie de le dépeindre une couche éthique voire métaphysique.

C’est là une tradition chinoise.

Un lettré confucéen accompli doit être capable de gérer des affaires publiques, être un exemplaire de la morale, et laisser des écrits ou des belles-lettres à la postérité.

C’est la lettre qui est à la fois les points de départ et de retour.

Les Anciens pensaient que les lettres et les mots ont des pouvoirs magiques.

Xu Shen a conçu son ouvrage dans cette perspective tout en appliquant le précepte de Confucius : Quand les noms ne sont pas corrects, le langage est sans objet.

D’où la notion de Zhèngmíng>(正名 , Rectification des Noms).

L'expression provient du livre « Entretiens de Confucius » ,au chapitre 13.

Zilu dit : «Si le souverain de Wei vous invitait et vous confiait le gouvernement, que feriez-vous en premier lieu ? »

Le maître dit : « Rectifier les noms pour sûr ! »

Zilu dit : « Vraiment, vous allez chercher loin. Les rectifier, pour quoi faire ? ».

Le Maître dit : « Zilu, vous n’êtes qu’un rustre !

Un honnête homme ne se prononce jamais sur ce qu’il ignore.

Quand les noms ne sont pas corrects, le langage est sans objet.

Quand le langage est sans objet, les affaires ne peuvent être menées à bien.

Quand les affaires ne peuvent être menées à bien, les rites et la musique dépérissent. Quand les rites et la musique dépérissent, les peines et les châtiments manquent leur but. Quand les peines et les châtiments manquent leur but, le peuple ne sait plus sur quel pied danser (…) En ce qui concerne son langage, l’ honnête homme ne laisse rien au hasard »

 

Ainsi, le bon ordre du monde s’appui sur l’ exactitude et pertinence des mots.

C’est une vision positive et constructive du monde.

Jean Jaurès a fait une excellente proposition contraposée :

« Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots. »

Nous vivons dans un monde où les êtres et les choses se désintègrent de plus en plus, le phénomène d’explosion et de bombardement des informations et des désinformations s’accentuent, ce qui confirme la thèse de Platon :

« La perversion de la cité commence par la fraude des mots ».

La (ré)définition des mots est primordiale.